IA : atout pour booster l’expérience beauté
Comment l’IA et l’IA générative révolutionnent les produits et services de l’industrie cosmétique ? L‘int...
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à l’aube de son 18e Tour de France, Christian Prudhomme, nous convie pour partager un déjeuner au 8e étage du Groupe Amaury le 21 février dernier.
HK : Tu te livres finalement peu, retranché derrière le « géant » ? Alors qui est Christian Prudhomme, personnage public finalement méconnu, outre l’emblématique patron du Tour de France ? Quel a été ton parcours ?
J’aime viscéralement le Tour et resterai toujours retranché derrière le « géant », c’est ma conception de mon rôle. Lorsqu’on me demande après le Tour comment s’est passé « mon Tour », je rappelle volontiers que c’est « Le Tour ». Le Tour, c’est beaucoup de ma vie, tout simplement. Gamins, nous écoutions le Tour à la radio avec mon frère et mon père, et c’est cela qui m’a donné envie de devenir journaliste. Je suis devenu journaliste à travers le Tour, nous y reviendrons je pense. Je suis né à Paris da
ns le 12e arrondissement et me considère com
me parisien d’origine alsacienne, ce qui est important à mes
yeux : mes grands-parents et cousins étant des Naas, Roth, Wagner et Foëll. Je suis marié et ma fille de 25 ans, journaliste elle aussi, est issue de la 95e promotion de l’ESJ de Lille dont je suis également diplômé (major de la 59e promotion, ndlr). Je reviens au Tour. C’est ma passion pour le Tour qui m’a donné envie d’être journaliste pour être témoin, et raconter à ceux qui ne le voient pas. Mon rêve était de commenter le Tour, j’ai eu la chance de le faire d’abord à la radio en 1995-1996 pour Europe 1, ensuite à la télévision en 2001-2002-2003. Et enfin, c’est parce que j’étais commentateur du Tour à la télévision que Patrice Clerc, à l’époque, et Jean-Marie Leblanc m’ont proposé de les rejoindre.
Tu appartiens à une longue lignée de journalistes patrons du Tour ?
C’est exact : Henri Desgrange, de 1903 à 1936 ; puis Jacques Goddet, pendant 50 ans, avec pendant une longue période un co-directeur en la personne de Félix Lévitan et ensuite Jean-Marie Leblanc jusqu’en 2006. J’attaque mon 18e Tour en 2024, et j’ai maintenant consacré 20 ans au Tour, après 18 ans dans le journalisme. Je suis arrivée à la direction du Tour en deux temps : 3 ans aux côtés de Jean-Marie Leblanc (2004-2005-2006) avant d’en prendre la direction en 2007. Samedi 12 avril 2003, veille de Paris-Roubaix, je me trouve au pied du podium de présentation des coureurs et Jean-Marie Leblanc me propose de rejoindre le Tour… après un petit « glurps », j’accepte immédiatement. Le 12 avril est une date marquante dans ma carrière puisque le 12 avril 1992, fin de La Cinq, 800 personnes au chômage dont je fais partie… et le 12 avril 2003, j’accepte de rejoindre la direction du Tour. Jean-Marie est resté 3 ans. Il a été fabuleux avec moi et m’a véritablement adoubé, ce dont je n’avais pas toujours fait l’expérience lorsque j’avais changé de boutique dans mon ancien métier. Pas un seul rendez-vous, déjeuner ou dîner de Jean-Marie avec des élus sans m’y convier, jamais jamais jamais… et c’est le nerf de la guerre : il nous faut le plus beau plateau de coureurs bien sûr, mais sans les élus et notamment les maires, les présidents de départements et les services de l’État… pas de course. Nous n’avons pas notre stade, notre piscine, notre parquet de basket… le terrain d’expression des champions et championnes, c’est la route qu’on nous permet d’emprunter pendant quelques heures. Enfin, une fois le témoin transmis, Jean-Marie Leblanc a été d’une discrétion exemplaire, sans jamais me gêner dans mes fonctions.
Quelles ont été les rencontres et les moments déterminants de ton parcours ?
Dans ma vie professionnelle, il y a 2 périodes : le journalisme (France Télé et La Cinq) puis le Tour/ASO. Presque tous mes amis viennent de ces deux univers. En 1989, je commente les Championnats du monde à Chambéry après le fameux Tour LeMond/Fignon des 8 secondes, et boum, la revanche aux Championnats du monde à Chambéry et c’est encore LeMond qui gagne. C’est d’ailleurs la première course cycliste retransmise en intégralité sur une chaîne de télévision dans le monde (6h d’antenne). Et je commente la course avec Philippe Bruet, Fabrice Balédent, Éric Bayle, et Cyrille Guimard comme consultant, sous l’autorité de Pierre Cangioni. Patrice Duhamel, directeur de l’information de La Cinq et Patrice Clerc, Président d’ASO ont été des rencontres essentielles, et des personnes qui comptent énormément pour moi. Je suis un enfant du Tour, mais quand je suis arrivé chez ASO, j’avais couvert davantage le Dakar comme journaliste, des Dakar qui duraient 3 semaines et où tu dormais réellement par terre sans tente, sur un matelas avec un duvet. Christophe Briand qui réalise le film du Tour comme monteur et réalisateur, également le parrain de ma fille, m’a « sauvé » une nuit d’une demi-douzaine de chiens errants qui me menaçaient alors que je dormais dans le désert. Ce qu’on vivait à l’époque sur le Dakar nous a appris à qui on avait affaire : nous étions placés dans des situations compliquées, non pas extrêmes, mais fondamentalement différentes de celles du quotidien et qui nous mettaient en face des individus dans toute leur vérité. Cela m’a marqué. Et puis bien entendu, de nombreux souvenirs de mes débuts sont gravées dans ma mémoire. Rétrospectivement, je les regarde avec amusement. Mes premiers pas de journaliste à RTL par exemple, à ma sortie de l’école de journalisme de Lille. Ainsi j’ai vécu heure par heure les 3 mois à RTL où je faisais les flashs de nuit (minuit-5h). Je tremblais comme une feuille et les premières fois, je ne parvenais même pas à sortir mon texte, crispé par les quelques rares auditeurs qui pouvaient m’écouter à 2h du matin…
Quels conseils à ceux qui mènent plusieurs vies de front ?
Le Tour et mes différentes activités et fonctions me rapprochent des autres mais m’éloignent des miens, c’est une certitude. Je n’ai pas de métier. Quand je dis c’est une mission, j’emploie ce terme là, mais ça ne veut pas dire que j’ai une mission divine, c’est simplement que je suis le Directeur du Tour de France partout, du 1er janvier au 31 décembre. Le cœur de tout cela, ce sont les gens. J’ai été marqué par une interview de Jean-Marie Leblanc dans L’équipe en 2003 pour le centenaire du Tour dans laquelle il disait en substance : « Le Tour doit être aimé ». Cela est une certitude à mon sens. Je veille lorsque je suis en déplacement à ne pas rentrer par le dernier train ou avion, de telle manière que je n’ai pas à regarder ma montre en permanence, à rester sur place pour aller à la rencontre des gens, à prendre le temps pour eux : ce n’est pas « je vais faire mon intervention ou ma réunion, ça dure 1h-1h30 puis je file ». Ce n’est pas possible pour moi en tant que directeur du Tour de France, en raison de ce lien de proximité, ces 3500 km de sourires (© Prudhomme, rires). Un autre souvenir m’a marqué alors que je couvrais le Tour comme journaliste à Europe 1. J’étais souvent sur la moto, parfois dans la voiture et dans l’ascension d’un col, je griffonnais mon papier à l’arrière de la voiture, trois minutes avant le flash (je tremblais moins), concentré à ma tâche. Et soudain, j’entends une dame sur le bord de la route qui me lance : « qu’est-ce qu’il a celui-là, il ne sourit même pas ?! »… énorme de bon sens et de sincérité. Une autre anecdote qui m’a marqué, cette fois une question de Claudy Lebreton à la fin du mois de janvier 2004, alors que j’étais chez ASO depuis 3 semaines. Jean-Marie Leblanc me demande alors de représenter pour la première fois le Tour de France à l’extérieur et m’envoie dans les Côtes d’Armor pour une soirée Tour de France avec le président du Conseil général de l’époque, Claudy Lebreton, alors également président des départements de France, référent et interlocuteur essentiel du Tour. Époque charnière où nos interlocuteurs deviennent les départements représentés par l’Assemblée des départements de France, devenue Départements de France présidé par François Sauvadet. Pendant le dîner avec l’Assemblée des départements de France, Claudy Lebreton m’interroge sur ma période à La Cinq et me demande : « Alors, fin mars 92, alors que vous étiez à La Cinq, lorsque vous aviez passé trois jours à l’Alpe d’Huez… » Et Lebreton de me demander : « Alors, quand vous avez entendu – en descendant de l’Alpe dans le taxi avec votre femme – le flash de 17h annonçant que Silvio Berlusconi ne reprendrait pas La Cinq… qu’est-ce que cela vous a fait ? » J’ai compris tout simplement que j’étais chômeur. Cette anecdote m’a marqué : comment Claudy Lebreton avait-il fait pour connaître cet épisode ? Cette anecdote m’a appris à distinguer des rendez-vous et des moments pour prendre du temps avec celles et ceux qui nous accueillent partout.
Quelles sont tes sources d’inspiration, de décompression ? Que fais-tu pour te détendre et recharger les batteries ?
J’aime lire, en général une vingtaine de livres par an avec des moments sans lecture, rien en avril, occupé par l’enchainement des engagements (Paris-Roubaix, les classiques ardennaises, les rendez-vous, les allers-retours, les reconnaissances, les réunions, les interviews), rien en juillet bien sûr. Nous avons découvert Netflix, comme beaucoup d’autres pendant la pandémie. Par ailleurs, je crois à l’oisiveté. Je ne fais donc pas de sport mais j’ai une activité physique quotidienne : j’ai une petite demi-heure de marche de chez moi pour venir chez ASO, donc matin et soir, je suis à pied. Ensuite, je descends en ascenseur et monte à pied. Anecdote, ma jambe gauche est un peu le maillon faible chez moi. En 1992, je suis tombé d’un avion sans parachute sur le Paris-Pékin, le 17 septembre 92, premier jour de ma vie en Chine : heureusement l’avion était posé (rires), mais c’était un avion de transport de troupes et en descendant ma jambe est passée au milieu des deux rails de descente des chars en arrachant des morceaux de ma jambe gauche… je me suis relevé, j’ai regardé et je suis tombé dans les pommes (rires). En 2002, je me suis rompu le tendon d’Achille gauche. Et en 2012, j’ai dû subir une ostéotomie de cette même jambe gauche. J’adore skier, j’ai beaucoup pratiqué mais l’état d’un genou nécessiterait une opération que je retarde. Pour revenir à l’oisiveté, je cherche à mettre mon cerveau dans un état de vagabondage, et je trouve cela sur les chemins : adepte du tourisme lent, je pratique la randonnée aussi bien en France qu’à l’étranger, dans les Pyrénées, dans le Cantal, dans le désert (Tunisie, Algérie, Maroc) etc, mais également quotidiennement et toute l’année. Je suis devenu un adepte des applications qui me permettent de suivre mes activités quotidiennes : au rythme d’environ 7 km, 15 étages et 10 000 pas chaque jour… sauf en juillet bien entendu. D’ailleurs, je commence souvent à pouvoir réfléchir aux aspects sportifs des prochains Tour, et à mes différentes activités lors de ces moments privilégiés de « vagabondage ». La marche est donc vraiment essentielle pour moi.
Comment parviens-tu à gérer ton alimentation ?
Nous sommes toujours extrêmement bien accueillis partout… ce n’est pas toujours bon pour le poids… La qualité du foie est un avantage essentiel pour le job (rires). à partir de l’automne 2008, j’ai commencé à faire une période sans alcool par année, j’en fais aujourd’hui quatre (6-8 semaines avant le Tour, 4 semaines après le Tour, du 15 décembre au 15 janvier et une 4e période qui varie).
Quelle leçon de vie aimerais-tu transmettre à tes petits enfants ?
Je n’en suis pas encore là (rires). Je suis « travaillé » – j’emploie le mot à dessein – par la transmission. Jean-Marie, dans le texte, il a 20 ans : « nous ne sommes que des passeurs de plats, mais faisons le dîner du mieux possible ». Je suis aussi frappé par Eddy Merckx, le plus grand champion de l’histoire avec 525 victoires professionnelles. Eddy avait évidemment des capacités physiques hors normes, mais son frère Michel, qui n’est plus des nôtres malheureusement et sa sœur sont les mêmes humainement. Eddy a transmis à ses enfants et ses petits-enfants ce que ses parents lui avaient transmis. Eddy Merckx te tient la porte. Quand Pierre-Yves Thouault (adjoint de Christian Prudhomme, ndlr) se rend à Bruxelles, si Eddy n’est pas au courant, il n’est pas content car il souhaite aller le chercher lui-même à la gare du Midi avec sa voiture. En 2019, le Tour part de Bruxelles pour le centenaire du maillot jaune et les 50 ans de la première victoire d’Eddy Merckx. Nous prenions l’apéritif chez Eddy le soir de la première étape. Le plus grand champion de l’histoire, Eddy est sans doute meilleur encore dans le choix des vins. Il nous sort des flacons merveilleux ce soir-là. Nous dînons avec le Prince Albert de Monaco, Laurent Gerra, Claudine, épouse d’Eddy, Eddy Merckx, Pierre-Yves Thouault et moi. Nous étions les seules personnes assises, y compris Axel Merckx, son fils, alors âgé de 35 ans qui était debout, comme sa sœur et les petits enfants d’Eddy. Lors de cette soirée, la petite fille d’Eddy vient me voir et me dit : « Mon Babou, c’est le meilleur des Babou », je connaissais sa carrière, mais je ne m’étais pas rendue compte à quel point les gens étaient attachés à lui, et je n’aurais pas pu imaginer qu’ils pleurent sur son passage aujourd’hui pour cet anniversaire, 50 ans après sa première victoire sur le Tour de France. Dans la transmission, Eddy Merckx, qui n’a bien sûr pas pu transmettre son talent inné d’immense champion, mais dans ce dont il était 100% responsable, dans l’éducation, il a réussi à 100% à transmettre. Axel Merckx, son fils, est le seul coureur qui m’ait écrit pour me présenter ses excuses après un abandon. Tu imagines ce que le Tour veut dire pour lui et donc pour son père.
Je viens à ta casquette de directeur des activités de cyclisme sur route d’ASO (les épreuves organisées par ASO représentent plus de 130 jours du calendrier annuel du cyclisme sur route professionnel, ndlr). Comment finalement sont organisées ces activités et quels sont les piliers fondamentaux du Tour ?
C’est une évidence, ça ne peut pas fonctionner sans une équipe. Environ 75-80 personnes travaillent toute l’année sur le vélo chez ASO, en plus de nos indispensables équipiers (environ 600 personnes, ndlr). Pour donner un ordre de grandeur, le Tour réunit environ 1800 personnes réparties dans 3 groupes d’environ 600 personnes : les équipes (dont 176 coureurs), la caravane et ASO. J’emploie souvent cette formule : je tiens la barre, et mon adjoint Pierre-Yves Thouault tient la boutique. La part de mes activités dévolue aux rencontres, événements, voyages est telle que le rôle de mon adjoint est absolument central : Pierre-Yves est sans conteste la personne qui connait le mieux les arcanes et détails du fonctionnement du Tour. Un autre axe important pour le Tour est celui de poursuivre la tradition de grands départs depuis l’étranger, le premier grand départ ayant eu lieu en 1954 d’Amsterdam. Partir de grandes villes étrangères emblématiques fait rayonner la France de façon extraordinaire. Nous partons de Florence en 2024, centenaire de la 1ere victoire d’un Italien sur le Tour, Ottavio Bottecchia. Non seulement j’assume mais je revendique de poursuivre et d’amplifier ce choix historique du Tour. Quelques illustrations. Yorkshsire 2014, les noms de tous les pubs traduits en français… le Black Swan s’appelle pendant 8 jours le cygne noir. Et l’on observe un immense engouement populaire aux bords des routes du Yorkshire avec ces images extraordinaires de France Télévision montrant près de 2.5 millions de spectateurs massés pendant 2 jours le long du parcours. À cette époque-là, 11 millions de touristes britanniques traversaient la France pour aller passer leurs vacances en Espagne… L’Alpe d’Huez est surnommée la « montagne des Hollandais » depuis les innombrables victoires des coureurs hollandais dans les années 70-80 mais la station n’avait pas réussi à transformer le supporter néerlandais de juillet en skieur l’hiver… Grand départ au Danemark en 2022, l’Alpe d’Huez est présente au sein du village. Hiver 2023-2024, la première fréquentation touristique à l’Alpe d’Huez est le Danemark. Au même titre que j’assume et revendique le choix de partir régulièrement de grandes villes étrangères, Il y a toutefois une limite au passage du Tour à l’étranger, c’est de préserver un autre axe absolument clé pour le Tour – condition sine qua non – celle de pouvoir continuer à faire étape dans des villages et petites communes tels que Châtillon-sur- Chalaronne, Castelnau-Magnoac, Rocamadour, Colombey-les-Deux-Églises par exemple. Les exploits sportifs et la compétition – garants d’un spectacle exceptionnel et d’images époustouflantes de France Télévision pour celles et ceux qui ne peuvent se rendre au bord des routes, sont intimement liés à la qualité du parcours et donc à notre capacité à continuer de pouvoir dessiner les plus beaux parcours, ceci restant possible si nous pouvons continuer à faire étape dans les villages que j’ai cités : aller là où le sport nous guide. Dans la confection d’un parcours du Tour, il y a bien entendu les aspects sportifs en no1, mais aussi culturels et historiques, et enfin de sécurité qui deviennent de plus en plus critiques. Les aménagements routiers doublent tous les 7 ans environ, en même temps que la vitesse des pelotons augmente, selon moi essentiellement en raison des progrès matériel. Avec maintenant le phénomène nouveau de mise en danger de la « colonne course ». Pour la première fois lors de l’édition 2023 du Tour, la colonne course a été mise en danger sans faire d’erreur (l’organisation fait depuis de nombreuses années obligation à tous les pilotes des véhicules de la colonne course d’être d’anciens coureurs professionnels, ndlr). L’UCI (Union Cycliste Internationale, ndlr) devra à mon sens intervenir pour encadrer le développement du matériel sur lequel règne une certaine omerta, et faire avancer de façon volontariste des changements concertés : à quand des textiles protégeant véritablement les coureurs lors de chutes ? Un coureur brûlé ne peut pas dormir, et ne peut donc pas récupérer. L’an dernier sur le Tour, 5 300 « point durs » nécessitant bottes de paille, drapeaux jaunes. En 2035, si l’on continue à ce rythme, nous aurons 10 000 points.
Quels sont les défis du Tour ?
Cela dépend en partie de la perspective. Le premier défi est que nous ayons tous en nous, durablement et de façon indéfectible, quelque chose du Tour de France. C’est clairement le premier défi. La sécurité est le deuxième défi, sécurité générale, pour les champions, pour le public et pour la « colonne course » comme nous l’évoquions plus tôt. Le changement climatique est sans aucun doute un autre grand défi pour le Tour. Il a fallu attendre 2019 pour que pour la première fois une étape soit interrompue en raison des conditions météo sur le Tour, avec des phénomènes climatiques d’une violence exacerbée par le changement climatique. Sur ce sujet, nous devons nous placer dans une double perspective de temps long et de temps court : le 18 juillet 2024, fera-t-il 42° ou 18° avec de la pluie ? Dans la confection du parcours, nous avons par exemple fait durablement évoluer notre appréhension des tracés autour des cols. Auparavant, nous recherchions des parcours découverts pour des raisons techniques de retransmission, et pour que les spectateurs sur le bord des routes puissent profiter de 5 lacets. Depuis 3-4 éditions, nous nous préoccupons de protéger les coureurs, et, sans que cela puisse devenir la réalité de toutes les étapes bien entendu, on va chercher des montées dans les sous-bois, en forêts et on regarde à quelle altitude les coureurs sortent à découvert pour les protéger, tout cela grâce aux prouesses techniques de nos amis de France Télévisions pour porter le signal tv. Le Tour de France, à une petite échelle, rencontre à mon sens des défis comparable à ceux de la France. Quand je dis « nous avons tous en nous quelque chose du Tour de France », c’était sans aucun doute vrai hier, ça l’est encore aujourd’hui, mais est-ce que ça le sera toujours demain et après-demain ? Nous organisons depuis 8-10 ans maintenant la dictée du Tour qui est à la fois faite pour défendre la langue française mais aussi évidemment pour que le Tour rentre dans les écoles. Lors des 15 jours de la dictée du Tour qui précèdent le départ, on parle du Tour de France à l’école et quand les gamins rentrent chez eux… qu’est-ce que tu as fait aujourd’hui… on a parlé du Tour de France. La dictée du Tour est encore plus importante que je ne l’imaginais au départ. Le fait de rentrer dans l’école, d’aller voir les plus jeunes avec l’aide d’enseignants volontaires. Et ça marche, c’est formidable, nous rencontrons 25 000 gamins par an. Pendant longtemps on a entendu, cela m’agaçait d’ailleurs, « c’est un sport de vieux ». Il s’avère que depuis 3-4 ans, la deuxième tranche d’âge qui regarde le plus le Tour est celle des 15-34 ans et que les audiences ont retrouvé en pic en valeur absolue leur niveau de 2004 alors qu’il n’y avait que 6 « chaînes ». Par ailleurs, 1/4 des gens qui sont venus au bord des routes du dernier Tour venait pour la première fois, dont 54 % de femmes. C’est formidable évidemment ! La diffusion du sport et des événements, les réseaux sociaux sont d’autres enjeux majeurs bien entendu à ce titre. Prenons l’exemple de Netflix, formidable, totalement complémentaire du direct. J’y ai découvert Jasper Philipsen que je ne connaissais pas, et comme de nombreux spectateurs, j’ai eu envie de le connaître. Des images absolument exceptionnelles, des looks, une précision formidable. Reste le sujet du son bien entendu sur lequel nous restons très en retard. Il se passe tellement de choses dans un peloton, et cela crescendo avec les vitesses accrues. Le public ne voit qu’une masse, sans pouvoir discerner et comprendre en direct la vie à l’intérieur du peloton. Ce serait un plus énorme pour le public. Les traversées d’agglomérations sont spectaculaires, la bagarre pour placer les sprinters lors des arrivées à plat, les gars qui se poussent des coudes. C’est vrai que ça serait encore un plus énorme, énorme, énorme, énorme. Enfin, anecdote vécue de façon récurrente lors de mes « Face aux lecteurs » que je fais régulièrement. La première fois, ce fût pour le Tour 2016, nous partions du Mont-Saint-Michel et Ouest France nous avait proposé ce dispositif que nous avons reconduit depuis. En 2024, j’en aurai trois : Nice Matin le 12 mars, La Montagne à deux reprises pour les étapes du Cantal, et Le Bien Public pour les étapes de la Côte d’Or. Et la première question que l’on me pose, systématiquement à chacune de ces rencontres, et qu’aucun journaliste ne me pose : est-ce que le Tour restera toujours gratuit à la télévision ? Et je réponds que la famille Amaury est attachée à une diffusion la plus large possible, au travers de chaînes gratuites, généralistes et de service public autant que possible. Ceci demeurant une des particularités du Tour dans l’univers des grands événements sportifs mondiaux.
Nous avons souvent des dirigeants d’ETI familiales pour clients et invités dans ces colonnes. La famille Amaury est propriétaire du Tour depuis 3 générations, dans une vision de long terme : quel est ton regard ?
Le Tour a une chance immense d’avoir la famille Amaury pour propriétaire, c’est fabuleux. J’ai hélas peu connu Philippe Amaury, disparu en 2006. Mais je garde un souvenir fort de lui en 2005, lorsqu’il se mit en colère pour défendre le Tour face à l’initiative Pro Tour, et je me souviens l’entendre dire publiquement en substance : « Nul n’abimera le Tour que l’on m’a donné en héritage, nul n’abimera le Tour de France qui est plus grand que moi en ma présence ». Je n’étais pas encore directeur du Tour et j’en garde un souvenir vibrant. Autre exemple de cette vision et ce fonctionnement de long terme, la famille Amaury a accordé du temps pour la transition avec Jean-Marie Leblanc. En 2008, alors que je ne suis directeur du Tour que depuis deux ans et que nous faisons face aux tourments du dopage, sur une ligne de crêtes, je garde en mémoire le soutien de Marie-Odile Amaury qui maintint le cap pour traverser ces épreuves. La famille Amaury raisonne à long terme, c’est formidable. Quel regard portes-tu sur les JO en France dans quelques mois ? C’est une chance extraordinaire pour notre pays. Au même titre que le Tour pour les collectivités et territoires qui nous reçoivent chaleureusement, c’est l’occasion de montrer le meilleur du pays et de nous-mêmes, non seulement pour tous les amoureux du sport, mais pour le monde entier.
Un point sur les questions du dopage et de la réforme du cyclisme ?
On évoque le dopage, je préfère évoquer le combat contre la triche, potentiellement propre à toute activité humaine, combat que nous menons évidemment sans relâche.
Ton regard sur le millésime 2024 du Tour ?
Cette année, en espérant qu’aucun ne se blesse, nous avons la chance d’avoir les 4 as dans 4 équipes différentes, c’est fabuleux ! Jonas Vingegaard, avec une très grosse équipe, même s’il n’a pas Van Aert. Tadej Pogačar, le mors aux dents qui va faire le Giro puis le Tour dans la foulée, avec une équipe de grands champions – trois d’entre eux pouvant terminer dans le top 5, à son service, entièrement dédiés à sa victoire. Primoz Roglic dans une nouvelle équipe qui veut tout donner pour le Tour, qui a joué de malchance en chutant souvent, pourrait être un sérieux « client » s’il ne chute pas. Remco Evenepoel, le poil à gratter, showman formidable, qui m’a impressionné sur la Vuelta où il gagne des étapes, mène des raids de 100 km presque tous les 2 jours. Il me fait un peu penser à Luis Ocaña en 1976 qui déclara : « moi, je ne peux plus gagner le Tour, mais je choisirai le vainqueur ». Il fût un animateur extraordinaire de l’épreuve. Le Tour est divisé en deux parties, les 10 premiers jours pour puncheurs, une première partie des Alpes un jour, les chemins blancs, le Massif Central avec une étape impossible à cadenasser pour le leader, ça avec des murs, usants… si Pogačar et Evenepoel en alliés de circonstances se prêtent main forte ce jour-là, en « frères pétard » comme avaient été surnommés Pinot et Alaphilippe en 2019 les journalistes de L’équipe, cela promet peut être une étape de feu, et une première partie de Tour formidable, peut être favorable à Evenepoel. Ensuite, la deuxième partie avec des montagnes plus classiques, qui montent très très haut (la 19e étape avec 14 km de montée à plus de 2000 m d’altitude culminant à 2802 m au col de la Bonette), et j’ai vu le sourire de Jonas Vingegaard lors de sa découverte du parcours. On observe que plus ça monte haut et plus Vingegaard semble prendre l’avantage.
Question traditionnelle : qu’est-ce qu’un bon consultant selon toi ?
C’est une vraie capacité d’écoute, je connais la tienne qui est impressionnante, et ensuite, avec ce qui a été entendu et compris, ce que le consultant en fait bien sûr. Selon une formule que l’ancien patron administratif du service des sports de France Télévisions utilisait dans les réunions avec les syndicats : « J’écoute ce que vous ne me dites pas ».
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